Témoignage sur les expulsions

Un texte récemment publié par les occupant-e-s de la forêt que je renvoie ici car cela pourrait être un des sujets discutés les 15 et 16 : les possibilités de soutenir la reconstruction dans la forêt de rohanne (avec peut-être un rôle à jouer des comités locaux en terme de matos, compétences….) et les réactions collectives en cas de nouvelles attaques sur ce site.

Forêt de Rohanne, centre ZAD. Des gens vivaient la plutôt tranquillement
depuis deux ans, dans une grande maison communale et des cabanes
dispersées dans les arbres. La police vint et détruisit la maison le 18
octobre 2012, çà parait déja loin. Une nouvelle maison communale a été
construite en hauteur dans les arbres. Les flics sont venus avec des
grimpeurs et ont détruit toutes les maisons dans les arbres, la maison
communale comprise, entre le 30 et le 31 octobre. Une nouvelle maison
communale a alors été construite. Les flics sont revenus le 5 novembre
et ont également détruite celle là.

Là, les choses ont commencé à devenir intéressante.

Nous avions besoin d’aide et avons fait un appel à ce que des gens
viennent et nous aident à réoccuper dans la semaine suivant la manif de
réoccupation du 17 novembre, nous avons presque été dépassé par la
réponse. Une incroyable énergie collective a bourdonné dans la forêt et
le groupe qui occupait la forêt a au moins été multiplié par quatre.
Construction de plateformes, apprentissage des noeuds ou atelier grimpe,
cuisine, construction au sol, récolte de bois pour le feu, transport de
matériel, tri de matériel de grimpe ou juste prendre un thé ensemble…
il y avait toujours plein de gens merveilleux remplissant la forêt d’une
toute nouvelle vie. A partir de jeudi, non seulement il y avait plein de
nouvelles plateformes, une magnifique cabane au sol, un filet en hauteur
et de nombreux ponts de singe mais aussi une nouvelle assurance partagée
qu’il y avait l’énergie et le désir de défendre non seulement cette
forêt mais la ZAD toute entière. Je trouve profondément motivant
qu’autant de gens mettent leur énergie et leur talent dans la
construction malgré les risques importants. Au matin du jeudi 23
novembre la police est venue pour expulser les gens de la forêt pour la
cinquième fois, mais pour la première fois sans succès. C’est dur de
dire exactement combien de gens sont venus pour rester, de la boue
jusqu’aux genoux, toute la journée, en face des bulldozers, à bloquer le
passage. En tout cas plus de gens qu’il n’y en avait jamais eu dans la
forêt. Des centaines de personnes, venues de près ou de loin, sont
restées fermes faces aux machines, chantant et riant face aux lignes
sinistres de flics. Juste avant la tombée de la nuit les machines ont
fait demi tour et sont parties, sans avoir touché les maisons.

Bien sur l’histoire ne s’arrête pas là. Le jour suivant, le dimanche 24
novembre, la police fourmillait dans la forêt dès l’aube, formant des
lignes apparamment infinies de gendarmes mobiles suréquipés, casqués,
dans la forêt paisible. Cette fois les machines et les grimpeurs sont
entrés et ont détruit toutes les maisons, cabanes dans les arbres,
plateformes et structures qui avaient été construites. Ils ont pris
chaque planche, casserole et poêle et sont partis avec. Comme lors des
expulsions précédentes ils ont été violents, aggressifs et extrêment
dangereux. Leurs machines se sont écrasées sur des arbres où il y avait
des gens en hauteur dans les branches et à nouveau ils n’ont pas paru
concerné par notre sécurité, voir par la leur. Cependant cette expulsion
avait une différence significative et éclatante avec les précédentes. De
la même manière qu’il y a plus de gens en hauteur dans les arbres et sur
les ponts de singe, le nombre de soutiens au sol était élevé et
constant. Malgré les pires cas de violence policières depuis le début
des expulsions, malgré les grenades assourdissantes toutes les cinq
minutes, malgré un nuage permanent et épais de gaz lacrymos, malgré de
nombreuses charges policières essayant de sortir les gens de la forêt…
des centaines et des centaines de manifestantES se sont uniEs et sont
restéEs dans la forêt boueuse. Des centaines de gens étaient encore en
train de chanter et une samba continuait à jouer, lorsque bien après la
nuit tombée la police finit par sortir de la forêt. Alors qu’ils se
repliaient les lâches se sont permis d’inonder à nouveau la forêt avec
tellement de gaz que ça m’étonnerait vraiment de revoir une salamandre
dans le coin un jour. Je ne sais pas vraiment quelle sera la prochaine
étape mais reconstruire ou pas ne se questionne pas. Après que des
centaines de personnes se soit prouvé avoir l’énergie, la force et la
passion suffisante pour survivre à deux jours de gaz lacrymos, de
grenades, de violence et de charges policières, en plus de l’habituel
boue, pluie et froid, ce serait une insulte d’abandonner maintenant.
Reconstruisons et continuons jusqu’à ce qu’il soit assez clair combien
il est inutile d’envoyer les équipes de grimpeur détruire nos cabanes
chaque semaine. C’est déjà ridicule. Couvrir la zone des détritus de
près de deux cent cartouches de grenades lacrymos, blesser au moins
vingt personnes, mettre la vie de gens en danger dans les arbres, avoir
envoyé d’innombrables grenades assourdissantes… tout çà pour détruire
des cabanes que l’on peut reconstruire en moins d’une semaine. Nous
n’allons pas nous laisser virer comme çà. C’est loin d’être fini.

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