NOTRE-DAME-DES-LANDES FAIT DES PETITS. La guérilla qui secoue le bocage nantais semble avoir pour effet de relancer, voire de susciter, certaines actions engagées contre des projets d’équipements publics jugés coûteux, inutiles et contraires à la préservation de l’environnement. Tout le monde s’en réclame. A Lyon, l’association Carton rouge conteste le grand stade qui doit sortir de terre à Décines-Charpieu (Rhône) pour accueillir l’Olympique lyonnais et l’Euro 2016. La construction de deux lignes à grande vitesse, Bordeaux-Espagne et Bordeaux-Toulouse, rencontre des oppositions fortes. Une bataille se prépare dans la forêt de Chambaran (Isère) autour d’un possible parc de loisirs. A Fontiers-Cabardès (Aude), où la famille Lacoste envisage d’aménager un golf, les adversaires au projet se sont baptisés « les Crocodiles ». Tous ces irréductibles ne sont pas disposés pour autant à aller aussi loin que les militants hostiles à l’aéroport nantais. Il n’empêche que Notre-Dame-des-Landes leur donne des ailes, si l’on peut dire. « Ils nous inspirent. Nous vivons à côté de Roissy-Charles-de-Gaulle, qui a transformé le paysage », assure Jacqueline Lorthiois, une sexagénaire qui proteste contre Europa City, un gigantesque centre commercial et de loisirs prévu à Gonesse (Val-d’Oise).
Les comités « NDDL », qui se créent pour soutenir l’action des contestataires nantais, favorisent la mobilisation. Ce combat « symbolise la lutte que nous menons contre les projets inappropriés et surdimensionnés », insiste Mathieu Bouchard, militant écologiste à Pézenas (Hérault), allié à des commerçants pour dénoncer « Les jardins de Bonneterre », une vaste zone commerciale. L’association a reçu le soutien inattendu de la mouvance anarchiste de Montpellier, qui flaire un éventuel Notre-Damedes-Landes méridional. A Pézenas, personne n’a encore dressé de cabanes dans les vignes promises à l’urbanisation, mais un couple de sympathisants vient d’y acquérir une parcelle, dans le but affiché de mettre des bâtons dans les roues du promoteur. Des alliances insolites voient le jour : bourgeois bio, paysans montés sur des tracteurs, vrais gauchistes et faux casseurs.
La plupart des équipements mis en cause présentent des points communs avec le projet d’aéroport envisagé entre Nantes et Rennes. « C’est le même logiciel », lâche le Vert Alain Jund, adjoint au maire de Strasbourg en charge de l’urbanisme et adversaire de longue date du « Grand contournement ouest », un projet d’autoroute datant de 1973 finalement abandonné en juin par le groupe Vinci faute de financements. « Les dossiers se ressemblent », confirme Victor Pachon, qui préside le collectif contre la ligne Bordeaux-Espagne. Selon lui, « les projets sont ficelés d’avance, les coûts sous-estimés et les performances sur-estimées ; la population locale n’en veut pas, et des études indépendantes confirment l’inutilité de l’équipement ».
Même si ces mobilisations ne sont pas totalement étrangères à une réaction de type « Nimby » (« not in my back yard », soit « construisez ça où vous voulez, mais pas chez moi »), leurs animateurs affirment mettre en cause un modèle de société fondé sur la consommation, la vitesse et la croissance. « Vaut-il mieux continuer à s’alimenter grâce aux terres agricoles ou avoir un aéroport de plus ? », se demande Georges Lopez, brocanteur et président de l’association « Bien vivre à Pézenas ». « Nous n’avons pas besoin d’un centre pour le shopping de luxe ni d’une piste de ski en Ile-de-France alors qu’on ne cesse d’inaugurer des supermarchés dans la région », plaide Jacqueline Lorthiois, qui refuse le projet de centre commercial dans le Val-d’Oise.