Le tribunal de Saint-Nazaire avait à statuer en référé sur une plainte déposée par Vinci contre des « constructions illégales » sur le site du village collectif la Châteignerie (la Chat Teigne), à l’ouest du bois de Rohanne. Selon un manque d’empressement peu explicable, il vient de décider qu’il statuera la semaine prochaine. Ce qui remet en cause l’opération policière de grande ampleur prévue à partir du 5 décembre.
La décision était attendue cet après-midi. Si le tribunal décidait qu’il y avait en effet des constructions illégales (dont la seule régularisation possible est la démolition), la barrière juridique qui protégeait le site de la Chat Teigne aurait été levée. En effet, le village collectif édifié depuis la manifestation de réoccupation du 17 novembre, l’est sur un terrain qui appartient à un propriétaire qui a reçu son arrêté d’expropriation, mais non encore son indemnisation, au matin du 23 novembre, lorsqu’une opération policière a déferlé sur le site du village collectif.
Les opérations policières sur le site, loin de smer la zizanie parmi les opposants, les soudent, comme le rappelle ironiquement cette pancarte – photo Anaïs Denaux
La dernière opération de grande ampleur sur le site remonte au 23 et au 24 novembre. En partie illégale – puisque se déroulant sur un terrain privé non exproprié – elle s’est soldée par de nombreux blessés et diverses voies de fait, sans parvenir de plus à dessouder les divers opposants (paysans, militants écologistes, politiques, jeunes…) qui font front commun contre l’aéroport. La Préfecture de Loire-Atlantique tablait sur une décision du juge des référés reconnaissant la présence de constructions illégales et prévoyait, dès le lendemain, une opération de grande ampleur pour « crever l’abcès », de source policière, et prendre, une à une, puis les démolir illico, tous les lieux occupés par les opposants qui font autant d’abcès de fixation : ainsi de la Chat Teigne, des 100 chênes, des Fosses Noires etc. D’ici là, dans le but de « sécuriser le site », selon la Préfecture, deux arrêtés ont été pris le 30 novembre interdisant, l’un le transport de « tout carburant », l’autre le transport de « tout feu d’artifice, explosif, produit inflammable ».
Un recours a été déposé aujourd’hui contre l’arrêté qui interdit le transport de tout carburant. L’ACIPA et un paysan attaquent l’arrêté pour manque de motivation, disproportion avec le but recherché, atteinte à la liberté d’aller et venir et à celle du commerce et de l’industrie, car l’arrêté empêche les paysans de travailler.
Un procès à tiroirs
Mais. Le tribunal de Saint-Nazaire a examiné l’affaire à partir de 12h30. Devant le palais de justice, 80 militants et un tracteur étaient venus en soutien. Le débat a rapidement porté sur la légitimité de l’action du préfet – et donc des policiers présents sur zone le 23 novembre. Le procès s’est tenu sans le propriétaire, absent à l’audience. Mais qui est le vrai propriétaire ? L’avocat de Vinci-AGO a déclaré, tant à l’attention du préfet que du tribunal, « peu importe qui est le propriétaire, il vous incombe de mettre fin à l’occupation du terrain ». Parce qu’au-delà du litige au sujet de l’aéroport, il y a encore un autre problème : la propriété contestée du terrain. D’un côté, Jacques Paressant, propriétaire en cours d’expulsion, qui a fait constater par huissier le matin du 23 novembre l’irruption des policiers sur son terrain (la Chat Teigne) et s’est pourvu en cassation contre son expropriation. De l’autre, le préfet, qui assure que la société Aéroport du Grand Ouest est devenue « nue-propriétaire » du terrain et peut donc détruire les constructions illégales érigées dessus.
C’est la pagaille !
Le juge des référés a décidé de prendre son temps pour trancher cet imbroglio juridique hérissé de considérations politiques. Par conséquent, le jugement sera rendu le 11 décembre. D’ici là, toute opération policière sur le site sera illicite.
Ce qui ne manque pas de mettre un peu de sable dans le planning bien huilé de la semaine. Côté institutionnel, le ras-le-bol est palpable, même si du côté de la préfecture, l’on se refuse à tout commentaire. « C’est la pagaille ! », fulmine sans détours un officier de gendarmerie sous couvert d’anonymat. Le même poursuit « s’il y a opération cette semaine, il y a deux options : soit on y va, mais sans couverture juridique, soit on nettoie tous les autres sites, sauf celui-ci ». Une chose est sûre : il y aura une opération « dès que possible » après le du jugement le 11 décembre… s’il reconnait l’existence de constructions illégales… et qu’il déclare AGO-Vinci propriétaire du terrain. Pas gagné. En attendant, l’ACIPA appelle à la mobilisation pour jeudi.
source : breizhjournal.wordpress.com